Silence, les machines dorment. Bêtes sauvages et domestiquées, rivières et lacs artificiels, réservoirs. Le temps est lent, long, il s’enroule dans les haies qui séparent les pâturages. On a dompté les forêts puis on y a planté des conifères noirs – ils n’avaient rien demandé ! Quelques îlots feuillus subsistent, garants d’un monde riche, diversifié, mais moins profitable.
Je dessinais deux types d’arbres : les uns avec des épines, les autres avec un feuillage comme un nuage vert et vertical. C’était souvent le vert foncé des feutres stabilo pour le piquant, le vert clair pour le mousseux. De toute façon, il n’y avait que deux verts possibles. Alors on simplifie une réalité qui l’est peu. Un paysage avec un ciel bleu, un soleil jaune, de l’herbe verte et des toits rouges aux cheminées fumantes. Les oiseaux comme des “v” noirs qui ne disent rien de leur espèce.
La campagne est vide, ou peut-être devrais-je dire vidée. On aperçoit bien un fermier au volant de son tracteur, une commerçante au comptoir de son dépôt de pain, deux couples Néerlandais sur la place de l’Église. Nous marchons seuls d’un village à un autre. Toutefois il y a les chiens ou, plutôt, leur aboiement et celui-là montre que la campagne n’est pas tout à fait vide, non. Il y a aussi les affiches A4 annonçant le BINGO du samedi 21 mai. Plutôt vidée que vide donc.
On aura beau l’idéaliser, ça reste un peu triste, la campagne. L’hiver, les Douglas sombres restent habillés mais ne la rendent pas plus gaie. Les vaches disparaissent des prés. Ce qu’il nous reste, c’est l’odeur de la fumée particulièrement entêtante à la nuit tombée. D’ailleurs, on ne s’y rendra pas. On restera dans notre environnement urbain qui continue malgré tout de briller. Nos pas n’arpenteront pas les chemins. Nous n’entendrons pas les chiens. Mais nous nous imaginerons y vivre, dans une petite maison avec deux fenêtres, une porte, un toit rouge et une cheminée fumante.
Photographies prises dans le Morvan en mai 2022.