(Et pour commencer ce blog, voici un texte écrit en 2011)
Le ciel est pâle, peu importe la couleur.
852 sont morts. 721 ont disparu. 971 demeurent indéfinis. C’est comme si on n’avait pas cherché à comprendre.
La plage est déserte ce soir et je me fais la même remarque que la plupart des touristes ont dû formulé avant moi, dans des termes plus ou moins différents : “Quelle horreur.”
Que dire ? Le ciel était le même mais l’eau et le sable devaient avoir une couleur différente, un peu rougis.
Des milliers de morts. Y avait-il déjà ce bar-tabac-PMU avec ses cartes un peu vieillottes qui donnent à voir des photos du jour-J par Frank Capa ? Ce manoir, qui se trouve à gauche de la côte lorsqu’on tourne le dos à la mer, était-il alors un établissement luxueux, dans lequel dîner face à la mer coûtait un bras ?
Mais ceux qui n’ont pas été tué, où ont-ils disparu ? Que signifie “indéfinis” ? A-t-on trouvé une jambe, mais pas le reste ?
Il y a quelques baraques, plus ou moins bourgeoises, qui bordent la rue, de l’autre côté de la plage. De la laideur émane du tout. On se demande bien qui a eu l’idée de devenir l’heureux propriétaire d’une de ces maisons.
A neuf heure du soir en été, les touristes s’en sont allés. Il y règne une atmosphère étrangement calme et triste dans cette soirée qui ne ressemble ni au jour ni à la nuit. Il fait encore relativement clair mais d’une clarté sourde, qui affadit toutes les façades. Le bar-tabac-PMU est fermé, ce n’est pas le soir des moules marinières. Reste l’immense et grossière maison aux airs de manoir, où les six serveurs attendent qu’on ait fini notre verre pour fermer et rentrer chez eux regarder la fin du match. On avalera donc notre bière sans trop s’y attarder, environnés de moucherons qui ne s’effraient pas trop de l’intensité de l’air marin.
On continuera à s’enivrer un peu après, le corps bancale sur les galets parce que le sable a été submergé par la marée. L’eau est venue remplir la vacuité du paysage, cachant partiellement, et pour un temps uniquement, sa morosité.
(And to start the blog, a little text that I wrote in 2011).
The sky is pale, no matter its colour.
852 dead. 721 disappeared. 921 remain undefined. It is as if nobody tried to understand.
The beach is deserted tonight and I am making the same comment that most tourists would have made before me, in more or less different ways: “Dreadful”.
What should I say? The sky was the same but the water and the sand would have shown a different colour; a little red.
A thousand of deaths. Was the bar-tobacconist with its old-fashioned postcards showing D-day photos by Frank Capa already here? This manor, was it already a luxurious establishment, in which a meal facing the sea cost a fortune?
But whose who weren’t killed, where did they disappear? What does “undefined” mean? Did they find a leg, but not the rest?
There are some houses, more or less bourgeois, on the other side of the beach. Ugliness emanates from them. We wonder how someone could have become the proud owner of one of these.
At nine o’clock in summer, tourists are gone. The atmosphere is strangely calm and sad in this evening which doesn’t look either like day or night. The light is relatively bright but a brightness that makes all frontages colourless. The bar-tobacconist is closed, it isn’t “Moules-Marinières” night.
Still, the vast and rough house with its manor look remains, where six waiters wait for us to finish our drink to be able to close and come back home to watch the game. We will drink our beer up without lingering, surrounded by midges that aren’t afraid by the intensity of the sea air.
We will keep drinking a little bit later, our wobbly bodies sit on the shingle because the sand has been flooded by the tide. The water has come to fill the landscape’s vacuity, partially hiding, and only for a short-period of time, its gloominess.